5/8/2023

Cinq raisons pourquoi les programmes d'entrepreneuriat ne répondent pas aux besoins des femmes

~6 min de lecture
Trois femmes participantes au panel sur L'importance des structures d’accompagnement et des programmes adaptés à l'entrepreneuriat féminin

Le 26 avril dernier, j'ai participé à un panel intitulé " L'importance des structures d’accompagnement et des programmes adaptés à l'entrepreneuriat féminin ". Organisé par la Fédération des gens d'affaires francophones de l'Ontario, il était encourageant de voir un tel groupe discuter avec des groupes axés sur les femmes de ce qu'il faut faire.

Les trois panélistes - Fayza Abdallaoui de Next Level Inc., Raymonde Beugré du Mouvement Ontarien des Femmes Immigrantes Francophones, et moi-même représentant Consœurs en Affaires - ont aidé des centaines de femmes à démarrer et à faire croître leur entreprise. Nous avons été témoins de nombreuses tentatives de la part d'organisations financées par le gouvernement pour aider les femmes. Mes collègues ont fait preuve de diplomatie dans leurs commentaires d'ouverture. Je ne suis pas sûre que l'organisateur en dirait autant de moi.

Voyez-vous, c'est que j'en ai assez de l'idée que les femmes n'ont pas ce qu'il faut pour devenir entrepreneures et qu'il faut donc adapter les programmes pour qu'elles soient à la hauteur. Que nous sommes réticentes à prendre des risques. Que nous devons rêver plus grand avec nos entreprises pour pouvoir les développer et faire plus de profits. Le langage de l'entrepreneuriat est déjà trop macho. Plusieurs ne s'identifient même pas au terme "entrepreneur.e", même s'ils.elles sont des propriétaires d'entreprises prospères - "Je ne suis pas un.e entrepreneur.e, je suis propriétaire d'un café", etc.

Au lieu de "s'adapter", pourquoi ne pas démanteler les obstacles à l'entrepreneuriat ? Tout faire sauter et repartir à zéro, tel est le premier conseil que j'ai donné, sans aucune plaisanterie. Je ne dis pas que mes collègues ou l'auditoire n'étaient pas d'accord avec moi. Il y a eu de nombreux hochements de tête tout autour de la salle. En fin de compte, le panel a été une excellente occasion d'entendre différents points de vue. Cela m'a donné envie de clarifier ma position.

Voici donc les raisons pour lesquelles je pense que la plupart des programmes de formation et de soutien à l'entrepreneuriat ne répondent pas aux besoins des femmes, avec quelques idées pour remédier à ces défaillances :

1. Ils ne tiennent pas compte de la famille - Les programmes de formation à l'entrepreneuriat ne tiennent pas compte du fait que de nombreuses femmes créent leur entreprise pour tenir compte de leur situation familiale. Qu'elles créent une entreprise en marge d'un congé de maternité ou qu'elles choisissent le statut de travailleuse autonome pour plus de flexibilité (comme je l'ai fait), les femmes adaptent souvent leur vie professionnelle en fonction de leur famille. Alors pourquoi les programmes de création d'entreprise n'incluent-ils pas des conversations sur la famille et le soutien nécessaire de la part du conjoint, de la famille et des amis ? Parlons de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de la santé mentale dans les programmes de création d'entreprise ! Soit dit en passant, cela aiderait tous les parents, et pas seulement les mamans.

2. Alléger la charge - Dès que nous parlons de famille et de soins, nous devons nous pencher sur le travail non rémunéré que les femmes effectuent à la maison (où les femmes effectuent 50% plus d'heures de tâches domestiques de plus que leurs homologues masculins). Il y a aussi la charge mentale des soins : qui s'occupe des rendez-vous médicaux, de la liste des courses, des activités scolaires et des engagements sociaux ? Plus les femmes que les hommes.

Quel est le rapport avec le soutien aux entreprises ? Un rapport très net. En tant que femmes, nous assumons trop de choses. Au-delà des croyances subconscientes selon lesquelles nous devons garder la maison la plus soignée et cuisiner tous les repas du jour, lorsqu'il s'agit de s'occuper des enfants et des personnes âgées, la société continue d'encourager l'idée que c'est le travail d'une femme. Si déléguer est l'une des clés du succès pour développer une entreprise, la première leçon pour les femmes pourrait bien être d'apprendre à déléguer aux membres de la famille (oui, aux partenaires et aux enfants eux-mêmes !). Ou à des professionnels rémunérés. Quoi qu'il en soit, la délégation est une nécessité, mais le défi consiste à ne pas se sentir coupable.

3. Modifier les critères de mesure des entreprises - De nombreux programmes gouvernementaux mesurent le succès d'une entreprise en fonction du nombre d'emplois qu'elle crée. Compte tenu des pénuries de main-d'œuvre actuelles, nous devrions peut-être modifier nos critères d'évaluation en fonction de l'amélioration de la productivité et de la stabilité financière. Mais surtout, nous devons cesser de juger lorsqu'une entrepreneure ne veut pas embaucher. À tort ou à raison, pour de nombreuses femmes, embaucher des salariés équivaut à adopter d'autres enfants. Nous nous sentons responsables de leur bien-être et nous nous inquiétons si nous devons prendre une décision de rentabilité et procéder à des licenciements. Des femmes m'ont dit que certains accompagnateurs de programmes d'appui aux entrepreneurs leur reprochaientt de vouloir créer une "lifestyle business" parce qu'elles ne voulaient pas embaucher d'employés.  Pourquoi ne pas mettre l'accent sur la contribution de l'entreprise à la communauté ?

4. L'aversion pour l'endettement, pas pour le risque - Les économistes ne cessent de mettre en garde contre le niveau d'endettement trop élevé des ménages. Pourtant, dans le monde des affaires, nous encourageons les entrepreneurs à obtenir des prêts. La véritable impulsion donnée aux plans d'affaires est en fait de préparer les entrepreneurs à obtenir du financement, que ce soit auprès d'une banque ou d'un organisme tel qu'une SADC. Nous pourrions parler ici de la façon dont le système est biaisé à l'égard des femmes parce que nous avons souvent moins d'actifs pour être admissibles à des prêts. Mais ce n'est pas tout. Des études ont montré que les femmes considèrent l'endettement comme une menace pour la stabilité de leur famille. Dans l'entrepreneuriat, elles ne craignent pas le risque. Elles préfèrent simplement un risque abordable - un niveau de croissance plus modéré peut-être, mais pas un risque qui menacerait le bien-être de leur famille si les choses tournaient mal. (Pour une belle analyse sur le sujet, SVP voir le livre The Feminine Capital, disponible en anglais seulement). Pourquoi ne pas aller au-delà des prêts traditionnels et des banques et encourager le financement communautaire des entreprises ? Des microfinancements à faible taux d'intérêt ou sans intérêt qui récompensent le développement économique des communautés ?

5. Mettre l'accent sur l'éducation financière - Les deux derniers points ci-dessus soulignent la nécessité d'une meilleure éducation financière. Les programmes et les aides publiques ne suffisent pas à sensibiliser les entrepreneurs à l'impact de l'endettement, à la gestion des ressources financières et à la planification des flux de trésorerie. Si nous voulons vraiment faire mieux dans ce domaine, nous devons commencer dans les écoles secondaires, si ce n'est plus tôt. C'est là que la finance sociale et l'innovation peuvent s'unir pour avoir plus d'impact. Un programme privé innovant dont je viens de prendre connaissance fait participer les entrepreneures à un module d'éducation financière avant que leur demande de prêt ne soit approuvée. Si elles décident de demander un prêt et que celui-ci est approuvé, l'organisation leur assigne un mentor qui les soutiendra tout au long de la durée du prêt. Imaginez que votre institution financière vous offre un tel soutien !

Pour l'amélioration de notre société, les programmes et les aides à l'entrepreneuriat doivent être réinventés pour tenir compte des rôles familiaux, en encourageant des charges de travail plus équitables, suivies d'un changement pour mesurer le bien-être personnel des entrepreneures et la stabilité financière de l'entreprise. Cette réinvention est tout à fait possible lorsque nous réorientons les ressources pour commencer par l'éducation financière, la gestion des risques et le développement économique communautaire.

Chez Consœurs en Affaires, nous nous engageons à faire progresser les positions ci-dessus, en espérant créer un développement entrepreneurial plus durable pour les femmes et les hommes.

Qu'en pensez-vous, chers amis lecteurs et lectrices ?

Le 26 avril dernier, j'ai participé à un panel intitulé " L'importance des structures d’accompagnement et des programmes adaptés à l'entrepreneuriat féminin ". Organisé par la Fédération des gens d'affaires francophones de l'Ontario, il était encourageant de voir un tel groupe discuter avec des groupes axés sur les femmes de ce qu'il faut faire.

Les trois panélistes - Fayza Abdallaoui de Next Level Inc., Raymonde Beugré du Mouvement Ontarien des Femmes Immigrantes Francophones, et moi-même représentant Consœurs en Affaires - ont aidé des centaines de femmes à démarrer et à faire croître leur entreprise. Nous avons été témoins de nombreuses tentatives de la part d'organisations financées par le gouvernement pour aider les femmes. Mes collègues ont fait preuve de diplomatie dans leurs commentaires d'ouverture. Je ne suis pas sûre que l'organisateur en dirait autant de moi.

Voyez-vous, c'est que j'en ai assez de l'idée que les femmes n'ont pas ce qu'il faut pour devenir entrepreneures et qu'il faut donc adapter les programmes pour qu'elles soient à la hauteur. Que nous sommes réticentes à prendre des risques. Que nous devons rêver plus grand avec nos entreprises pour pouvoir les développer et faire plus de profits. Le langage de l'entrepreneuriat est déjà trop macho. Plusieurs ne s'identifient même pas au terme "entrepreneur.e", même s'ils.elles sont des propriétaires d'entreprises prospères - "Je ne suis pas un.e entrepreneur.e, je suis propriétaire d'un café", etc.

Au lieu de "s'adapter", pourquoi ne pas démanteler les obstacles à l'entrepreneuriat ? Tout faire sauter et repartir à zéro, tel est le premier conseil que j'ai donné, sans aucune plaisanterie. Je ne dis pas que mes collègues ou l'auditoire n'étaient pas d'accord avec moi. Il y a eu de nombreux hochements de tête tout autour de la salle. En fin de compte, le panel a été une excellente occasion d'entendre différents points de vue. Cela m'a donné envie de clarifier ma position.

Voici donc les raisons pour lesquelles je pense que la plupart des programmes de formation et de soutien à l'entrepreneuriat ne répondent pas aux besoins des femmes, avec quelques idées pour remédier à ces défaillances :

1. Ils ne tiennent pas compte de la famille - Les programmes de formation à l'entrepreneuriat ne tiennent pas compte du fait que de nombreuses femmes créent leur entreprise pour tenir compte de leur situation familiale. Qu'elles créent une entreprise en marge d'un congé de maternité ou qu'elles choisissent le statut de travailleuse autonome pour plus de flexibilité (comme je l'ai fait), les femmes adaptent souvent leur vie professionnelle en fonction de leur famille. Alors pourquoi les programmes de création d'entreprise n'incluent-ils pas des conversations sur la famille et le soutien nécessaire de la part du conjoint, de la famille et des amis ? Parlons de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de la santé mentale dans les programmes de création d'entreprise ! Soit dit en passant, cela aiderait tous les parents, et pas seulement les mamans.

2. Alléger la charge - Dès que nous parlons de famille et de soins, nous devons nous pencher sur le travail non rémunéré que les femmes effectuent à la maison (où les femmes effectuent 50% plus d'heures de tâches domestiques de plus que leurs homologues masculins). Il y a aussi la charge mentale des soins : qui s'occupe des rendez-vous médicaux, de la liste des courses, des activités scolaires et des engagements sociaux ? Plus les femmes que les hommes.

Quel est le rapport avec le soutien aux entreprises ? Un rapport très net. En tant que femmes, nous assumons trop de choses. Au-delà des croyances subconscientes selon lesquelles nous devons garder la maison la plus soignée et cuisiner tous les repas du jour, lorsqu'il s'agit de s'occuper des enfants et des personnes âgées, la société continue d'encourager l'idée que c'est le travail d'une femme. Si déléguer est l'une des clés du succès pour développer une entreprise, la première leçon pour les femmes pourrait bien être d'apprendre à déléguer aux membres de la famille (oui, aux partenaires et aux enfants eux-mêmes !). Ou à des professionnels rémunérés. Quoi qu'il en soit, la délégation est une nécessité, mais le défi consiste à ne pas se sentir coupable.

3. Modifier les critères de mesure des entreprises - De nombreux programmes gouvernementaux mesurent le succès d'une entreprise en fonction du nombre d'emplois qu'elle crée. Compte tenu des pénuries de main-d'œuvre actuelles, nous devrions peut-être modifier nos critères d'évaluation en fonction de l'amélioration de la productivité et de la stabilité financière. Mais surtout, nous devons cesser de juger lorsqu'une entrepreneure ne veut pas embaucher. À tort ou à raison, pour de nombreuses femmes, embaucher des salariés équivaut à adopter d'autres enfants. Nous nous sentons responsables de leur bien-être et nous nous inquiétons si nous devons prendre une décision de rentabilité et procéder à des licenciements. Des femmes m'ont dit que certains accompagnateurs de programmes d'appui aux entrepreneurs leur reprochaientt de vouloir créer une "lifestyle business" parce qu'elles ne voulaient pas embaucher d'employés.  Pourquoi ne pas mettre l'accent sur la contribution de l'entreprise à la communauté ?

4. L'aversion pour l'endettement, pas pour le risque - Les économistes ne cessent de mettre en garde contre le niveau d'endettement trop élevé des ménages. Pourtant, dans le monde des affaires, nous encourageons les entrepreneurs à obtenir des prêts. La véritable impulsion donnée aux plans d'affaires est en fait de préparer les entrepreneurs à obtenir du financement, que ce soit auprès d'une banque ou d'un organisme tel qu'une SADC. Nous pourrions parler ici de la façon dont le système est biaisé à l'égard des femmes parce que nous avons souvent moins d'actifs pour être admissibles à des prêts. Mais ce n'est pas tout. Des études ont montré que les femmes considèrent l'endettement comme une menace pour la stabilité de leur famille. Dans l'entrepreneuriat, elles ne craignent pas le risque. Elles préfèrent simplement un risque abordable - un niveau de croissance plus modéré peut-être, mais pas un risque qui menacerait le bien-être de leur famille si les choses tournaient mal. (Pour une belle analyse sur le sujet, SVP voir le livre The Feminine Capital, disponible en anglais seulement). Pourquoi ne pas aller au-delà des prêts traditionnels et des banques et encourager le financement communautaire des entreprises ? Des microfinancements à faible taux d'intérêt ou sans intérêt qui récompensent le développement économique des communautés ?

5. Mettre l'accent sur l'éducation financière - Les deux derniers points ci-dessus soulignent la nécessité d'une meilleure éducation financière. Les programmes et les aides publiques ne suffisent pas à sensibiliser les entrepreneurs à l'impact de l'endettement, à la gestion des ressources financières et à la planification des flux de trésorerie. Si nous voulons vraiment faire mieux dans ce domaine, nous devons commencer dans les écoles secondaires, si ce n'est plus tôt. C'est là que la finance sociale et l'innovation peuvent s'unir pour avoir plus d'impact. Un programme privé innovant dont je viens de prendre connaissance fait participer les entrepreneures à un module d'éducation financière avant que leur demande de prêt ne soit approuvée. Si elles décident de demander un prêt et que celui-ci est approuvé, l'organisation leur assigne un mentor qui les soutiendra tout au long de la durée du prêt. Imaginez que votre institution financière vous offre un tel soutien !

Pour l'amélioration de notre société, les programmes et les aides à l'entrepreneuriat doivent être réinventés pour tenir compte des rôles familiaux, en encourageant des charges de travail plus équitables, suivies d'un changement pour mesurer le bien-être personnel des entrepreneures et la stabilité financière de l'entreprise. Cette réinvention est tout à fait possible lorsque nous réorientons les ressources pour commencer par l'éducation financière, la gestion des risques et le développement économique communautaire.

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Doreen Ashton Wagner
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